Tu sais que tu es maîtresse quand :
Ton bureau en classe devient le Saint Graal, la destination ultime qu'il faut atteindre. En général, tu arrives à poser une demi-fesse pendant trois minutes avant qu'un énième "Maîtreeeeeeeesse" ne retentisse à nouveau. Le bureau, en général, il est rempli de feuilles, de stylos, mais la maîtresse n'y est jamais.
Ta trousse ressemble à une succursale de Majuscule. "Maîtresse, j'ai pu de colle" ; "Maîtresse, j'peux prendre ta souris?" ; "Maîtresse, j'ai perdu ma règle" ... Et toi, tu dégaines aussi vite que l'éclair : la colle pour D. qui n'en a jamais malgré les trois mots notés sur son agenda ; la souris pour R. qui a fait une énième rature sur son cahier ; le stylo bleu pour P. dont la réserve est vide ; le stylo noir pour M car elle doit noter quelque chose sur le tableau d'activité et n'a évidemment pas pris de quoi écrire ; la règle pour C parce qu'il a cassé la sienne ; le taille crayon pour N car la mine de son crayon est cassée ; le feutre veleda parce que celui de L a rendu l'âme en plein calcul mental ; le trombone car H a perdu le sien ... la trousse devient une extension de notre corps.
Tu passes systématiquement dans le rayon fournitures lorsque tu fais les courses. "Oauhou les nouveaux feutres qui peuvent écrire sur du plastique sans s'effacer sont sortis ! "
Tu vis intensément la réussite de N**** qui a réussi à aligner deux mots sans fautes (ou presque) sur son cahier
Tu devient une pro en matière de gamelle pour manger le midi. Tu as le petit sac isotherme pour ranger ton tupperware, ta bouteille, ton thermos, tes couverts, le chocolat pour tenir, tes sachets de thé ...
Tu connais par coeur le code de la photocopieuse et tu devient pro dans l'impression de doc en format A3, A4, A5, recto-verso, en noir et blanc, en couleur, en plus clair, en plus foncé ... et la massicoteuse n'a plus aucun secret pour toi.
Tu prends des vêtements tout terrain, surtout dans les petites classes ... et tu as du rechange au cas où (surtout en épidémie de gastro). On oublie les petites chaussures à talon de 15 cm quand il faut monter et descendre dix fois les escaliers.
Tu ne supportes plus d'expliquer quelque chose en dehors de la classe. Ton pauvre mari en prend plein la figure lorsqu'il a le malheur de te demander de répéter quelque chose parce qu'il n'a pas entendu.
Ton midi se résume à avaler en vitesse un plat William Saurin à moitié froid parce qu'il faut corriger la dictée du matin, les mots à apprendre, les opérations de la séance de calcul, la leçon de français, la poésie ...
Tu pars en vacances ... sans te déconnecter. "Chérie, on va visiter le château de ********?", réponse de maîtresse : " Ah oui, super, c'est au programme de cette année, je vais pouvoir ramener des documents" / "Génial, il y aura surement des trucs à acheter pour ma classe" / "On pourrait pas partir plutôt en ******, car il y a un truc à visiter qui pourrait me servir"
Tu ne peux pas rentrer dans une salle remplie de gamins si ce n'est pas dans ton école. Tu as trop l'impression d'être au boulot.
Le truc qui t'énerve pendant les vacances : "Oui, on t'appelle parce que comme tu es instit', Paul-Antoine a un souci en mathématiques, tu pourrais passer une heure ou deux pour le lui expliquer pendant qu'on ira faire du shopping?"
Le truc qui t'énerve n°2 pendant un week-end/un mariage/des vacances/une sortie : "Tiens, *****, on te laisse les enfants, tu es instit' tu sais t'y prendre avec les enfants".
Exit le petit cartable stéréotypé. Toi, tu viens en cours avec un sac de voyage, un panier, des sacs A*chan ou M*c Do, une petite valise à roulette ou un sac à dos.
Tu as un dossier épais avec les dessins de tes élèves (dans un premier temps).
Tu complexes moins sur tes cuisses, car de toute façon, ils te dessinent en Madame Patate avec deux bâtons pour les jambes et deux traits pour les bras. Parfois, tu n'as pas de cheveux.
Tu collectionnes les cailloux, les bouts de feuilles, les fleurs écrasées, les petits papiers ou les pommes de pin (et tu fais semblant d'être sur touchée quand tu les reçois)
A chaque achat, ton mari n'ose plus rien jeter. La question qui revient sans cesse : "Chérie, est-ce que je peux jeter le rouleau de PQ vide / le pot de yaourt / la boîte à chaussure ou tu le gardes ?"
Tu sais pertinemment qu'en théorie, l'écriture des devoirs prend 5mn, en pratique 25 mn. De même pour chaque leçon que tu entreprends.
Tu frôles le cataclysme à chaque fois que tu leur demandes de faire un mouvement dans la classe. Les conséquences de la phrase "sortez vos cahiers" sont en général : B fait tomber tous ses crayons ; L fait tomber sa trousse ; E fait tomber ses cahiers ou livres ; H fait tomber sa chaise.
Tu prends l'habitude de tout détailler. A l'école comme à la maison. "Vous tirez un trait pour séparer des exercices précédents, vous écrivez la date du jour, soulignée en rouge, puis vous sautez une ligne, vous écrivez Grammaire à cinq carreaux ...", ils ne suivent en général pas ( au mois de Mars, j'en ai encore qui me demandent s'il faut écrire la date ou s'il faut sauter des lignes quand ils écrivent la dictée) ... à la maison tu dis "Chéri, peux tu sortir les assiettes, les mettre sur la table, puis sortir les fourchettes et les couteaux, les poser à côté de l'assiett..." " Oui, mettre la table, en gros".
Bref, tu es maîtresse.
Bien sur, je force volontairement quelques traits.